Les mémoires d'Elizabeth Frankenstein, Theodore Roszak


Roman de 1995 paru en 2007, c'est le quatrième que je lis de l'auteur, après La conspiration des ténèbres, L'enfant de cristal, Le diable et Daniel Silverman. Dans ce dernier, Daniel Silverman est un auteur qui écrit ses romans "du point de vue de" (Moby Dick du point de vue de la baleine, Notre Dame de Paris du point de vue d'une gargouille...). Roszak reprend cette idée pour revisiter l'histoire de Frankenstein du point de vue de sa femme, Elizabeth.

Robert Walton, le même narrateur que dans le roman de Mary Shelley, enquête sur Victor Frankenstein et retrouve les cahiers laissés par sa femme. Cette source offre au lecteur la possibilité de pénétrer l'éducation de la jeune femme. Celle-ci, après des débuts de vie difficile, est recueillie par le baron et la baronne Frankenstein. Elle grandit au milie d'un affrontement Homme-Science/Femme-Nature, entre son beau-père et sa belle-mère, adepte de l'alchimie. « Que va-t-il advenir de nous ? En ce siècle nouveau, les femmes ne seront-elles plus rien, abandonnant le monde aux mains de mathématiciens sans âme ? » Outre le contexte historique (la Révolution française), c'est l'occasion d'un questionnement sur la femme, être éminemment inférieur et futile dans l’idée de l’époque !

« Se pouvait-il, me demandai-je, que le développement du sang-froid et d’une haute intelligence chez la femme comportât toujours le risque de la dégénérescence morale qui conduisit à la ruine d’Elizabeth Frankenstein ? » La femme est dans un rôle qu’il ne lui convient pas de franchir, sous peine de troubler le narrateur (et pas que lui !) : « Assurément, la perspective de la femme occidentale poursuivant des formes perverses de gratification sexuelle encouragée par de pareilles doctrines n’est guère plaisante. »

L'auteur invoque Rousseau, Voltaire, Benjamin Franklin et ses travaux sur l'électricité qui passionnent Victor, Newton... Assurément la raison est sollicitée. Cette lecture immerge complètement et ferait presque oublier qu'il s'agit d'un roman, une fiction, pour se laisser convaincre que la voix de ce narrateur et ces écrits ont vraiment existés.

Elizabeth lutte pour son instruction, son émancipation, et subit sa condition, malgré les égards que les hommes semblent manifester. Comme elle le dit « Je crois que c’est un tour que les hommes jouent aux femmes. Ils professent un grand respect, mais ce respect devient une cage pour nous enfermer. »

Probablement, ce roman m'a moins plu que les autres de l'auteur. J'ai buté sur trop de pages en milieu d'histoire, lecture fastidieuse lorsque se développe l'initiation d'Elizabeth. Il s'agit là uniquement d'une affaire de goût. Je reconnais avec le recul que ce livre laisse une forte impression et des souvenirs, tant il est riche en points de réflexion. A découvrir sans aucun doute.


Theodore Roszak, Les mémoires d'Elizabeth Frankenstein, le cherche midi, collection NEO, 2007, 23 euros, 548p.