Fasciste, de Thierry Marignac


Début des années 80, j’avais 7 ans et je me souviens très bien ce portrait apparu à l’écran un soir d’élections. Avril 1983, Rémi a 23 ans, il vient de faire ses classes à Castelnaudary, chauffeur pour un Lieutenant. Retour à Paris, vie tranquille entre une licence à la fac (anglais et russe) et le boulot imposé par son père dans sa société de traduction. Rémi s’emmerde face à « l’étroitesse de l’horizon et cette vie insipide. » Il se mêle aux manifestations, observant les activistes qui dirigent la contestation, giscardiens à la doctrine libérale, UNI « gaullistes risibles » et GUD « bouilles de malfrats XVIe ».

Avec Rémi se dessine le portrait banal d’un garçon banal, milieu aisé, bonne éducation ; mais il ne se satisfait pas du peu que la société lui propose. Pas un jeune qui s’emmerde, non, un qui a des idées et veut les mettre en pratique. "la démocratie, ce pourrissoire, cette bête puante." Rémi reconnaît être un trouillard et cherche des armes pour dominer sa peur. Il a besoin d’affronter des situations extrêmes. Son père (avec qui il entretient une intéressante relation conflictuelle) l’enverra se calmer en Irlande. Rémi en revient choqué. C’est auprès de Lieutenant qu’il trouvera la connivence et la possibilité d’exprimer sa rage. Lieutenant et sa soeur, la blonde Irène, l'énergique amante de Rémi. Rémi qui accède au statut d'adulte avec son passage chez les fascistes. On pénètre alors les coulisses de la préparation électorale de l’extrême-droite : propagande, manoeuvres internes.

Ou comment, à un moment donné, les idées, les rencontres entraînent des choix, et les vies se font. Dans l'écriture de Marignac, j'ai été séduite par l'équilibre des phrases, la concision des descriptions "Un garçon d'une grande violence sous la compoction des manières, nervosité sous-jacente, regard aigu, pressé de conclure, un ex-idéaliste affuté par la déception", la justesse du personnage de Rémi "Je veux m'arracher au confort abrutissant des villes occidentales".

Fasciste est présenté comme un « premier roman controversé ». A l’époque, peut-être. Sans doute certains ont lu la provoc' au premier degré. Aujourd’hui on le lit un peu blasé, l’extrême-droite en tant que parti n’a guère plus de pouvoir, faut dire que d’autres se sont chargés de ses idées...

Ce bouquin est arrivé entre mes mains, récupéré dans un bac de bouquiniste. Je l'ai reconnu car Marignac figure de longue date sur ma liste d'auteurs à creuser. A la dernière page du roman, abandonné par son précédent propriétaire, j'ai trouvé un bout de papier. Ca arrive, avec les livres d'occase. On y trouve plein de choses, des tickets de métros, des tickets de caisse et autres résidus du passé. Sur le papier en question, on lit une liste de cabas avec Echo and the Bunymen, Verlaine, Stone Roses et Bilal. Et quelques mots, significatifs seulement pour ceux qui les ont écrits. Cette simple trace personnelle me donne une idée : si quelqu'un veut lire ce livre, un mail (djduclock(AT)gmail(DOT)com) et je le lui envoie.

Thierry Marignac, Fasciste, Presses Pocket 1989, 209p.