Lil Wayne, The Carter II, Cash Money, Universal, 2005


L'économie du hip-hop que l'on prétendait être le son de la noirceur, était depuis longtemps guidée par le dollar blanc. Et avec le style gangsta, elle avait trouvé la plus riche des mines d'or. L'appétit des jeunes américains blancs jouissant d'un pouvoir d'achat pour le gore déchainé était insatiable. Ajoutez-y la puissance du mot nigga. Enfin ils avaient trouvé quelque chose qui allait faire craquer les plus endurants des parents. Nigganigganiggafuckthisfuckthat bitchbitchbitch suckmydick. Suffit de le crier fort.
Nik Cohn in Triksta, éditions de l'Olivier, 2006 réédité en Points.

Lil Wayne possède un flow sobre et accrocheur. Une voix rapeuse plutôt aigue, mais chaude. Un background d'arrière gorge dévastateur. Les frères Williams du label Cash Money ont dû sauter au plafond quand ils ont entendu le gazier pour la première fois. Pour ne rien gâcher à l'affaire, les lyrics de Lil Wayne ne sont pas dénués de second degré : dans Best rapper alive il s'auto-proclame meilleur rappeur encore en vie, sur un sample du Fear of the dark d'Iron Maiden. On retrouve quand même le lot de bitch, motherfuckers, money, fuck this, fuck that qui semble inhérent au gangsta... loin des lyrics et des attitudes du hip hop des débuts, au moment ou Grandmaster Flash et Kool Herc étaient des composants du hip hop et non pas des stars, quand le hip hop tournait en dérision la richesse et les produits de consommation de masse.

Avec The Carter II on semble s'éloigner un peu du gangsta rap et de sa culture de mort où violence, m'as-tu vu, mysoginie, guerre des gangs, désespoir, fric, renommée du gangster, armes, gang et fête tiennent le haut du pavé. Le gangsta n'a pas la prétention de changer le monde, loin de là, mais dans une certaine mesure il le reflète. Voilà le miroir des cités de la Nouvelle Orleans, d'Hollygrove et de Calliope : l'autodestruction, l'urgence et la rage. Lil Wayne, qui avec les albums précédents a fait déjà pas mal de fric, semble surtout causer ici de pognon et de sa vie.

Reste les décharges d'adrénaline à la toc, les beats énormes et entraînants, la grosse basse qui ronfle et les hooks qui font leur boulot en accrochant très fort. Le très chaud Fireman Dirty South typique, Receipt avec son sample de The Isley Brothers, Lock and Load avec Kurupt, Weezy Baby avec Nikki et surtout, surtout, le miracle Shooter en duo avec le rocker Robin Thicke qui a lui seul vaut que l'on se procure l'album.

Pour accompagner le disque on pourra se plonger dans Dirty South Rap de Chet Atkins aux éditions du Masque.

Lil Wayne & Robin Thicke, Shooter tiré The Carter II.