Laurent Guillaume se souvient de cet air

(photo : CdB)
Laurent Guillaume est écrivain et scénariste. Son dernier roman, Black Cocaïne, s'appuie en partie sur son passé de policier coopérant au Mali pour les affaires de stupéfiants. En ce jour d'été il se souvient de cet air...



À l'époque je vivais seul dans un petit studio au sommet d'une tour de la banlieue lyonnaise. De là-haut, je pouvais voir la fac dans laquelle j'avais le sentiment de perdre mon temps tous les jours, enfin presque tous les jours... C'était au tout début des lecteurs cd. J'avais dû faire le deuil de ma platine vinyle pour passer à ce truc rectangulaire, disgracieux et plein de boutons à la con. Je venais tout juste d'acheter mes premiers compacts discs pour oublier un chagrin d'amour, une saloperie de blessure lancinante qui me vrillait les tripes. C'était si douloureux et si bon à la fois. Posé sur mon bureau, tout en haut d'une pile de polycopiés de droit pénal et de procédure civile, y'avait Gainsbourg et Led Zepplin qui poireautaient. Je n’ai pas hésité longtemps, j'ai mis Gainsbourg dans le lecteur avec un peu d'appréhension et avancé jusqu'à la onzième chanson. Manon. Dès les premières notes, j'ai su que Gainsbourg était à la hauteur de ma mélancolie.