Max Ricther, The Four Seasons Vivaldi Recomposed (Deutsch Grammophon, 2014)


Les 4 Saisons de Vivaldi doivent être les concertos pour violon les plus enregistrés au monde. C'est souvent l'une des premières oeuvres classiques (plus précisément baroque) que beaucoup d'entre nous ont su identifier et reconnaître et certains passages sont particulièrement familiers. Max Richter et le Konzerthaus Kammerorchester jouent avec les souvenirs et le temps.

La musique contemporaine, surtout dans la branche minimaliste, a tendance à s'enfoncer dans une certaine mièvrerie (cf. certaines oeuvres de Philip Glass ou Ludovico Einaudi...). Je me demande parfois si on peut rapprocher cela de la naïveté de certaines peintures ? Mais je me rends compte que si j'aime la peinture naïve et ne m'en lasse pas, il n'en va pas de même avec la musique et j'ai revendu la plupart de mes albums de Glass ou d'Einaudi après qu'ils aient tourné quelque temps (et souvent en boucle). Max Richter n'échappe pas à une certaine dose de nappe de cordes sucrées quand il s'empare des compositions de Vivaldi.

Vivaldi, c'est déjà un peu du easy listening et Max Richter n'a aucun mal à garder ce côté facile. La recomposition pose une ambiance générale qui fonctionne dans l'ensemble. Ce qui manque, aux premières écoutes, c'est la puissance de l'oeuvre originale du maestro. L'oeuvre épurée semble un peu mièvre. Il manque sûrement un peu de Berio et de Xenakis dans tout cela.

Recomposed c'est une ouate moderne dans laquelle vous pouvez vous promener sans trop de risque si ce n'est un léger ennui. Mais l'ennui (et c'est là que nous soulevons un paradoxe) n'est-ce pas un sentiment que nous avons mis de côté ? Posons-nous un instant la question : où sont les longs et ennuyeux mercredi après-midi de notre enfance maintenant que nous sommes sollicités de toute part par les technologies modernes ? Ce léger ennui n'est pas légèrement plaisant ? Et répétons-le, cette musique est pleinement en phase avec un certain monde, comme si Max Richter avait transposé les 4 Saisons dans la ville, au sein de l'architecture contemporaine, une architecture froide et fonctionnelle, qui n'en reste pas moins l'architecture de nos contrées et de notre époque. Écouter ce Recomposed c'est un peu regarder la nature et les saisons depuis la baie vitrée d'un de ces immeubles, à l'abri.

Plusieurs phases de perceptions se succèdent à l'écoute de ce Recomposed et après une, deux ou trois promenades un peu nonchalantes, la richesse des mélodies se détache et un certain lyrisme pointe à l'orée du bois. Par petites touches (en commençant par exemple par l'Automne) l'ambiance s'installe et grandit, quelque chose passe et une fois la mièvrerie acceptée, derrière le joli apparaît soudain le beau. Alors l'addiction commence, pour combien de temps ?

Les Remixes (Robot Koch, Fear of Tiger et NYPC) qui lorgnent clairement du côté du dancefloor redonnent un peu de cette puissance perdue, dommage qu'ils ne soient pas plus nombreux. On se prend d'ailleurs à imaginer quelques noms pour s'emparer de Vivaldi et du baroque... Dj Q, Aphex Twin, Dusty Kid, Vitalic, les Daft Punk ?

Le disque comporte par ailleurs 5 mouvements appelés Shadows (electronics soundscapes) avec chants d'oiseaux et bourdonnement d'insectes qui composent une promenade plaisante et sans accrocs.

Ce Recomposed par Max Richter (avec André de Ridder qui dirige le Konzerthaus Kammerorchester et Daniel Hope au violon) est sorti en 2012 en Allemagne. Le voilà sur le marché international pour Avril 2014. Cette édition est disponible avec le DVD d'un concert à Berlin à la Funkhaus le 17 Décembre 2013. Le film qui couvre l'ensemble de l'oeuvre est plutôt kitsch et dispensable. Il ne vaut principalement que pour voir quel instrument joue quoi et comment, ce qui est toujours intéressant quand on ne sait pas faire le distinguo.