Elsa Marpeau se souvient de cet air

photo : Emeric Cloche
Elsa Marpeau est scénariste et romancière, entre Paris et Singapour... En ce dimanche de janvier elle se souvient de Beethoven...


J'ai 11 ans et je viens d'entrer en 6e. Pas de doute que les architectes, en bâtissant mon collège, se sont inspirés de l'Enfer. J'écoute le cours de musique d'une oreille distraite. Je l'écoute sans l'entendre durant des semaines, des mois, jusqu'à la 7e Symphonie de Beethoven. L'Allegretto. La prof monte le son, elle dit que ça s'écoute très fort. Le souvenir de cet air, pour moi qui ne connais rien à la musique classique, ce sont des images qui se transforment progressivement en récit - une fille marche dans la neige, le monde autour d'elle est intégralement blanc. Le vent lui bat le visage. Elle veut arriver quelque part, dans un paysage où la neige prend fin. Mais il est trop tard, la fille va mourir. Après un bref moment de révolte, elle finit par se résigner et le froid l'enveloppe peu à peu. Les souvenirs reviennent, mais doux, mélancoliques. Elle sait désormais que la neige ne prend jamais fin.