JMJ, Madrid, la police et le Chili


Le Pape et ses fidèles viennent de célébrer leur foi à Madrid en Espagne. Des catholiques du monde entier étaient en ville avec leurs fanions ; ils ont reçu sacs à dos, tickets de métro et repas. Côté JMJ on précise que le coût - 50 millions est financé par les dons des fidèles et du mécénat privé ; côté associations et protestataires on répond qu'il s'agirait plutôt de 100 millions d'euros. Sans même entrer dans cette problématique (détaillée ici), ni celle de la participation d'un État à une croyance qui relève de la sphère privée, ou bien des messages délivrés par le Pape - ce chef suprême qui renie à l'individu le droit à la liberté - il est intéressant de s'attarder sur le dispositif policier mis en place pour l'occasion.



Tout a commencé mercredi avec la manifestation de milliers de personnes critiquant la venue du Pape, notamment pour les questions de coût évoquées plus haut. Qui a commencé ? Chaque camp accuse l'autre, mais il semble que cette "marche laïque", autorisée, ait subi quelques retardements volontaires, et quelques insultes au passage de la Puerta del Sol (au cri de "esta plaza es del papa"). Mais, passons encore. Les brigades antidisturbios espagnoles entrent alors en jeu, montrant une violence disproportionnée et injustifiée qui se dirige vers les laïcs (le retour de bâton de la présence des Indignés ?), et de plus en plus vers les journalistes.

Ici, il s'agit d'une journaliste à qui le policier prend son accréditation, ensuite ça tourne mal.


Quelques jours avant, un autre journaliste était encerclé par les policiers alors qu'il couvrait une manifestation des Indignés devant le Ministère de l'Intérieur. Il a passé la nuit au poste.

Pendant ce temps au Chili depuis le mois de juin, des dizaines de milliers d'étudiants (des "jeunes") manifestent pour défendre le droit à une éducation publique gratuite leur permettant de démarrer dans la vie sans un emprunt (qui les oblige à rester sagement dans les normes). Ils sont rejoints par leurs parents, des professeurs, des travailleurs. Le gouvernement, et à sa tête le millionnaire Sebastian Piñera, leur envoie les Carabineros, avec des charges violentes et des centaines d'arrestation. Depuis août, il interdit carrément ces manifestations.

Plus impressionnant que les "classiques" affrontements à coups de cailloux, les images de personnes arrêtées en pleine rue et embarquées dans ces camions des forces spéciales. Je n'ai malheureusement pas retrouvé l'arrestation filmée par une jeune femme, en pleine nuit, dans le silence face à des policiers muets qui embarquaient quelques jeunes avec leurs pancartes. Glaçant.


De Madrid au Chili en passant par Athènes, les images s'accumulent de ces démonstrations de force que les "gardiens de la paix" déploient pour mater le désespoir grandissant de gens qui ont de moins en moins à perdre. Les condamnations s'accumulent, il faut faire vite et fort, pas question de réfléchir, 4 ans par ici pour incitation à l'émeute sur Facebook, 6 mois par là pour un pack d'eau et une arrestation en force par la police chez une femme de 22 ans (sur dénonciation de sa voisine), tout ça pour une paire de chaussettes... Le pouvoir politique veut "envoyer un signal fort" (comme pour les marchés...) au reste de la population, et s'appuie sur les lois récemment passées pour mater le moindre pas qu'il considère de travers. Après avoir fermé les centres sociaux et tout ce qui s'apparente à une mission de service public, il produit une partie des conditions de la révolte. Et demain le type ou la fille qui ira de travers, ce sera peut-être vous, ou moi.