The Jeffrey Lee Pierce Session Project, We Are Only Riders, Glitterhouse Records, 2009



Il y a peu Jeffrey Lee Pierre (du forum La Galette) demandait à voix haute si la musique populaire américaine était l'antichambre de l'alcoolisme malté ? C’est un fait, le bourbon, le whisky et le whiskey semblent souvent accompagner les joueurs de blues et les rockers à guitare. Il en va sûrement de même avec les auditeurs. C’est du moins ce que je me disais en écoutant la voix éraillée de Lydia Lunch sur When I Get My Cadillac qui ouvre la face B de We Are Only Riders la compilation consacrée à l’enregistrement d’une poignée de chansons que Jeffrey Lee Pierce (le chanteur de Gun Club) avait peut-être en projet avant de passer l’arme à gauche.

Entendons-nous tout de suite, on est loin de la puissance de feu de Gun Club, l’interprétation des chansons est propre et appliquée et on frôle parfois l’ennui avec Debbie Harry sur Lucky Jim ou encore Mark Lanegan et Isobel Campbell et Free To Walk. Ceci dit Nick Cave et Debbie Harry ne s’en tirent pas mieux... Mais dès la première écoute des interprétations sortent du lot : The Snow Country - sûrement un des meilleurs morceaux du double LP - par Mick Harvey fait son effet en prenant directement l’auditeur par la main pour une putain de promenade, une promenade en rond… ; les Sadies, nonchalants à souhait, balancent un Constant Waiting qui résonne bien avec celui de Mark Lanegan (certains des morceaux sont joués plusieurs fois avec des musiciens différents) ; le Bells On The Rivers de Crippled Black Phoenix convoque en grande pompe quelque chose du blues des années 80 : un peu de ce jus de Robert Johnson mélangé à Blondie ; Cypress Grove sur Ramblin’ Mind fait tourner un riff de guitare entêtant. Le Constant Waiting de Johnny Dowd avec son clavier barré secoue un peu la baraque. D’autres écoutes peuvent permettre de digérer le sucre sec qui traîne dans les autres morceaux. La nostalgie se pointe et on a un peu l’impression de traîner ses bottes dans un vieux road movie américain des années 80. Les années commencent à patiner les chromes et à donner, enfin, un autre éclat et si le troquet manque un peu de flaques, les traces de doigt du leader de Gun Club sont quand même là, sur le comptoir et même si les musiciens du Jeffrey Lee Pierce Sessions Project prennent garde de pas y mettre les leurs, un fantôme grandit à chaque écoute. C’est parfois un peu glacial, mais tout de même je me surprends à l’écouter au moins une fois par jour pour le moment et non, ce n’est pas une excuse facile pour m’envoyer un petit verre de Bourbon derrière la cravate.

The Snow Country de Jeffrey Lee Pierce par Mick Harvey