La folie d’Inversion et de La confrérie des Mutilés avait placé Brian Evenson du côté des auteurs à histoire atypique, un peu comme le Stone Junction de Jim Dodge ou Décomposition de J. Eric Miller ou encore Crocs de Toby Barlow.

Père des Mensonges, quand on connaît un peu le parcours conflictuel d’ancien Mormon d’Evenson, sent trop le règlement de compte. Derrière les lettres du psychiatre en proie aux pressions de l'Eglise, soucieuse des confidences d'un de ses patients qui raconte ses troubles sexuels, on voit clairement la rancune de l’auteur. Ce qui n’était qu’une trame de l’histoire dans les précédents romans devient ici le motif premier. La lutte contre le pouvoir religieux.

Le portrait de ce prêtre, Eldon Fochs, entouré de sa femme et de ses enfants, se dessine à travers la narration du psy, alternée avec celle d'Eldon en personne. Nous voilà donc dans la tête du pervers étalant ses manipulations. Est-ce parce que ce thème (bien mieux utilisé dans Inversion mais aussi dans d’autres roman) devient trop familier qu’il ne me surprend plus ? En comparaison, le Tueur sur la route d'Ellroy m'a fait plus forte impression. Ici, je n’ai ressenti aucune tension, aucun effarement à la lecture du portrait de ce type forcément antipathique, près à toute contorsion pour se justifier. Avec la passivité et l’hypocrisie de l’Eglise, l’ensemble forme un tout très attendu. D’où vient ce sentiment que le drame tombe à plat ? Une écriture un peu banale ? Une accumulation d’évidences ? Un parfum de brûlot personnel ? Ou peut-être un roman qui essuie les plâtres, puisqu’il a été écrit en 1998 par Brian Evenson mais n’est traduit que maintenant.

Brian Evenson, Père des Mensonges, le cherche midi, 2010, 17 euros, 234p.