Le faiseur d'histoire, Stephen Fry


Changer les évènements, revenir en arrière, réinventer l’Histoire. Et si... voilà le principe de l’uchronie. Et si les Nazis avaient gagné la guerre ? Ça, c’est Fatherland de Robert Harris, la seule uchronie que j’aie lue qui me vienne à l’esprit. Le grand fantasme, dans la manipulation du temps, a souvent à voir avec la deuxième guerre mondiale. Quand il s’agit du Mal, celui qui revient quasi à tous les coups sur le tapis et sans surprise, c’est Hitler. Je veux dire, comme s’il n’y avait pas d’autres sujets à aborder depuis 1945...

L’étudiant en Histoire, Michaël, rencontre un scientifique allemand, Leo : « cela signifie que ma tâche consiste à vous raconter l’histoire vraie de ce qui n’est jamais vraiment arrivé. Voilà peut-être une façon de définir la fiction. »

Les voilà partis, chacun pour des raisons différentes, pour créer un monde meilleur en supprimant Hitler, sans le tuer, non, juste en rendant sa naissance impossible. Le postulat de départ, naïf, simpliste et réducteur, amène quelques développements intéressants. Et si supprimer un être ne faisait que laisser une place vide pour un autre ? Cet autre, serait-il meilleur ? Sur quoi influera-t-il ?

Stephen Fry, ce britannique à l’horizon varié (romans, théâtre, télévision...), véritable star en Angleterre, sait raconter des histoires. Son goût pour la littérature se retrouve ici, dans la bouche même de son personnage. « Où trouve-t-on assez de recul et de froideur pour parler dans un style approuvé par les institutions académiques de choses qui vous font tourner la tête, vaciller et pleurer ? » Son humour aussi. Pas un grand styliste, mais un honnête raconteur. Il étire ici un peu trop la mise en place mais dès qu’on arrive au coeur de l’intrigue l’intérêt repart. Le récit des aventures des deux expérimentateurs chevauche celui du passé, où l’on suit Hitler enfant puis soldat. Le procédé met en perspective les actes des deux hommes et leurs conséquences sur l’Histoire. Stephen Fry pose la question d’un possible destin, et montre il me semble qu’un élément ne peut être modifié sans impacter sur tous les autres. Le monde supposé meilleur, si fortement voulu par Michael et Léo, peut s’avérer pire que l’ancien. Sauf s’ils réussissent à empêcher la formation du groupe Oasis mais ça...

Stephen Fry, Le faiseur d'histoire, Les moutons électriques éditeur, 2009, 26 euros, 412 p.