Les coeurs déchiquetés d'Hervé Le Corre


Hervé Le Corre m’avait ravie avec son polar dans les rues du vieux Paris, L’homme aux lèvres de saphir. Il revient cinq ans après avec un nouveau roman, forcément très attendu, et tout à fait différent.

Nous voici revenus à notre époque, du côté de Bordeaux et des villages du vignoble, Pauillac, Saint-Estèphe, Saint Laurent, Castillon... L’auteur convoque l’adolescence et la mort ; la perte de la mère assassinée pour Victor 13 ans, la perte du fils enlevé pour le commandant de police Pierre Vilar. La solitude et l’isolement des deux personnages donnent les meilleurs passages du roman. L'adolescent découvre la douleur en même temps qu'un premier amour et aussi l'amitié. Hervé Le Corre trouve les mots justes et le point de vue pour faire ressentir ces états que nous avons tous connu un jour ou l’autre. Victor s’imagine seul dans un monde dévasté par une catastrophe, il peine à s’emballer pour la vie à cause de ce meurtre qui le maintient isolé de tout. Hébété, comme Vilar avec l’absence de son fils. Au plus près de l'angoisse et de la peur, qui côtoient l'émotion, c'est là que l'auteur est le plus fort.

Ce qui vient gâcher, finalement, c'est la très classique enquête de police au sujet du tueur qui a fracassé la tête de la mère de Victor. En arrière-plan, le trafic d’enfants, la prostitution et la lutte de femmes seules. La construction de l’intrigue purement policière, avec ce tueur sadique, échappe à bien des platitudes habituelles et autres lieux communs sur les monstres. Cependant, j’ai trouvé cet aspect moins réussi. Certaines connexions sont un peu grossières. L’impression que l’auteur ne sait pas non plus trop comment s’en sortir, ce qui donne une fin de roman en demi-teinte, perdant la simple force de ce qui précédait. Un petit bémol donc, ce qui se produit souvent quand on attend fortement quelque chose en plaçant ainsi la barre très haut.

Hervé Le Corre, Les coeurs déchiquetés, Rivages/Thriller, 2009, 20 euros, 381p.